IRRECUPERABLES

Et voilà qu’en cette période pré-électorale, François Fillon, héros proclamé de primaires surprises se retrouve passé au laminoir de la presse « d’investigation » et précipité aux gémonies.

Ce post n’est en aucune façon politique. Loin de moi l’idée de soutenir Fillon et encore moins de le dénigrer, ceux qui me connaissent sachant que je vois avec la plus extrême méfiance la chose républicaine, étant probablement né trop tard dans un monde trop moderne.

La vraie question est cette obsession du « bien sous tous rapport » où du plutôt du « pas bien sous tous rapport » hantant les têtes pas si bien faites ni si bien pleines des journalistes, car finalement, ce qui intéresse tout un chacun n’est absolument pas de mettre en évidence les qualités d’âme, de cœur, d’intelligence ou de culture mais bien de salir, de profaner, de critiquer, d’effacer, bref, de dégomer.

Et d’ailleurs pourquoi ne parler que des journalistes qui ne sont que le produit de la société dans laquelle nous évoluons ?

Un de mes clients, qui n’est pas journaliste, se trouvait voici peu de temps dans quelque mondanité à deviser et rencontre un quidam, qui ne l’était pas non plus, et qui lui demanda qui était son Avocat. Mon brave homme de client cite, tout fier, mon nom (Il peut être fier et satisfait, je pense que depuis toutes ces années que je le défends je n’ai pas perdu une seule de ses affaires !).

A ces mots, l’autre, cravaté, calamistré et parfumé, pousse des cris d’horreur et se met à lui citer une litanie de péchés que je suis censé avoir commis, « et toutes ces casseroles » ! car oui chers lecteurs, vous l’ignoriez mais dans une petite frange de population au front étroit, je suis le Darck Vador du Barreau !

Mon ami lui demande alors ingénument : Mais en tant qu’avocat, qu’avez-vous donc à lui reprocher ? C’était la question qui tue et c’était la bonne question à laquelle l’autre ne sut quoi répondre, mais l’important pour lui était d’avoir pu déverser un peu d’acide. Peut-être aussi aurait-il fallu demander à cet homme que je n’ai jamais vu de ma vie s’il me connaissait !

Cette petite anecdote, lorsqu’elle m’a été racontée – car sachez le mes drôles, lorsque vous calomniez quelqu’un, cela lui revient fatalement aux oreilles ! – m’a tout à la fois fait sourire et songer que décidément nous sommes ou devrions tous être des indéfendables, des « non-récupérables » à la façon de Jean Paul Sartre.

Nous sommes des imparfaits, peut-être même des incomplets ou des « in-finis », même si chacun de nous porte en lui le reflet de la lumière primordiale du commencement des mondes.

Imparfaits car toujours à la recherche du sens de la vie, toujours à nous demander si vraiment c’est le chemin le plus étroit et malaisé qu’il faut préférer au boulevard si tentant…

Imparfaits mais curieux de tout, pleurant de joie et de tristesse, chutant et nous relevant.

Imparfaits aussi parce que nous créons, imaginons, rêvons et nous trompons.

Imparfaits enfin parce que la beauté du jour ne peut être sans l’obscurité de la nuit.

Or, l’homme semble donc ainsi fait qu’il ne recherche pas cette lumière mais bien plus toutes les taches plus ou moins sombres qui viennent la voiler.

Dans cette image rabâchée du verre à moitié plein ou à moitié vide, c’est toujours la partie sombre que l’on se plait à décrire.

Profondément, et bien sûr professionnellement, je me considère comme un chercheur de lumière, un effaceur de taches, un chantre de la circonstance atténuante, un maniaque de la rédemption, et même oui, un faussaire de la vérité parfois triste et triviale.

L’Avocat est précisément dans son rôle à cet instant où il ne veut pas s’intéresser à ce qui fait chuter, privilégiant ce qui pourrait relever…

Finalement, cette recherche effrénée et malsaine des pailles qui fourmillent dans les yeux d’autrui, cette entreprise de démolition à laquelle se livre aujourd’hui l’essentiel de la presse française à propos de François Fillon me fait songer à l’allégorie Socratique des trois passoires :

« Quelqu\’un arriva un jour, tout agité, auprès du sage Socrate :

– Écoute, Socrate, en tant qu\’ami, je dois te raconter …

– Arrête, As-tu passé ce que tu as à me dire à travers les trois passoires ?

– Trois passoires ?

– Oui, mon ami, trois passoires. La première est celle de la Vérité. As-tu examiné si tout ce que tu vas me raconter est vrai ?

– Non, je l\’ai entendu raconter …

– Bien, bien. Mais assurément, tu l\’as fait passer à travers la deuxième passoire. C\’est celle de la bonté. Est-ce que, même si ce n\’est pas tout à fait vrai, ce que tu veux me raconter est au moins quelque chose de bon ?

– Non pas, au contraire …

– Essayons donc de nous servir de la troisième passoire et demandons-nous s\’il est utile de me raconter ce qui t\’agite tant …

– Utile, pas précisément …

– Et bien, dit le sage, si ce que tu as à me dire n\’est ni vrai, ni bon, ni utile, oublie-le et ne t\’en soucie pas plus que moi. »

Amen et votez bien braves gens … ceux du moins qui ont encore une carte d’électeur dans leur poche !

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